Qu'est-ce que le jeu de rôle ?
Si vous assistiez à une partie, vous y verriez un groupe de gens assis autour d'une table, l'un d'entre eux présidant les autres, avec sur la table des livres, des feuilles de papier, crayons, bloc-notes, des dés de forme bizarre. Nous sommes bien loin du folklore dépeint par des reportages à la télévision, avec les épées et les costumes de vampires.
Plus sérieusement, on peut présenter le jeu de rôle (JdR en abrégé) comme la rencontre du théâtre et du jeu de société. C'est un conte interactif où chacun participe à écrire l'histoire. Le principe du jeu de rôle est pour ses joueurs de vivre des aventures, à la manière des héros de romans ou de films. Chaque joueur incarne un personnage (un PJ ou Personnage-Joueur) qu'il aura préalablement créé et doté de compétences et de talents, de qualités et de défauts (souvent en dépensant un capital de points qui lui permet "d'acheter" ces éléments). Ces caractéristiques sont accompagnées d'une qualification ou d'une valeur, lesquelles indiquent grâce à une échelle si le PJ est doué ou non dans tel ou tel domaine.
Par exemple, si le PJ possède la compétence "Conduire une voiture", on pourra ainsi savoir s'il vient juste de sortir de l'auto-école, si c'est un conducteur habitué ou s'il a l'étoffe d'un champion de rallye. Bien entendu, obtenir un haut niveau de maîtrise et être un champion nécessite d'investir plus de points à la création du personnage dans le domaine concerné que pour être un simple débutant.
Bien entendu, le personnage créé doit être conforme à l'univers où vont se dérouler les aventures : un jeune chevalier ou un apprenti sorcier dans un monde médiéval-fantastique, un pilote de vaisseau dans une épopée spatiale, un musicien de jazz dans le New York des années 30... Toutes ces informations sont regroupées sur une feuille récapitulative, appelée fiche de personnage.
Et comment on joue ?
A chaque fois qu'un PJ voudra tenter une action quelconque qu'il n'est pas sûr de réaliser automatiquement, il devra effectuer un test sous la compétence adéquate pour savoir s'il réussit ou s'il échoue. Dans la pratique, cela signifie qu'il jette des dés : il confronte le résultat obtenu au niveau de sa compétence, et cela lui indique son succès ou son échec. Chaque jeu de rôle dispose de règles et de mécanismes simples qui précisent comment faire correspondre le niveau d'une compétence à un jet de dés.
Par exemple, un système de règles très courant indique que plus un PJ est doué dans une discipline, plus il jette de dés lorsqu'il tente une action; pour réussir il doit additionner le résultat des dés et atteindre un score minimum, ledit score étant plus ou moins élevé selon la difficulté de ce qu'il cherche à faire. Notre jeune conducteur lancera ainsi trois dés pour effectuer une manœuvre alors que notre pilote de rallye en lancera dix. Effectuer un demi-tour en dérapage sur une route verglacée sans perdre le contrôle du véhicule est plus difficile que prendre un virage un peu serré.
Tout ceci consiste en la partie jeu du jeu de rôle.
Et la partie rôle, me direz-vous ? Elle s'exprime dans le jeu d'acteur des joueurs. Quand le joueur imagine son personnage, il peut définir aussi ses idéaux, ses opinions, ses traits de caractère. L'aspect rôle consiste pour le joueur à exprimer et à interpréter les opinions et le caractère du personnage : le joueur peut être doux comme un agneau, il peut incarner un personnage vindicatif et colérique.
Le joueur peut décrire ce que fait son personnage ("Mon personnage va fouiller le tiroir du bureau pour voir s'il n'y a pas un carnet d'adresse.") ou parler à sa place ("Laissez-moi faire, je vais crocheter ce tiroir en un rien de temps ; avec un peu de chance, c'est là que notre suspect cache son carnet d'adresses."), voire mimer. Le PJ est en colère ? Le joueur parlera en haussant le ton. Il cherche à séduire ? A lui d'employer un langage suave. Cet exercice de substitution est appelé roleplay (excusez cet anglicisme) et confère à bien des situations tout son plaisir et son intérêt.
Le rôle central du Maître de Jeu
Autour de la table se trouve un intervenant bien particulier, celui qui préside les autres comme cela est dit au début de cette présentation. Ce n'est pas un joueur; il est appelé le Maître de Jeu (ou MJ). Sa fonction est d'être le metteur en scène, le scénariste, le narrateur de l'aventure. Il décrit les situations, les environnements, interprète les autres personnages qui ne sont pas incarnés par les joueurs (les PNJ ou Personnages Non-Joueurs), gère les conséquences des actions des PJ.
Dans la pratique, le Maître de Jeu présente aux joueurs la situation dans laquelle ils se trouvent ("Vous poussez la lourde porte de l'auberge; des odeurs de bière, de feu de cheminée et de viande rôtie vous frappent; la salle est mal éclairée mais l'humeur des clients semble agréable") puis se tourne vers eux et leur pose la question traditionnelle : "Et maintenant, qu'est-ce que vous faites ?". Les joueurs décrivent leurs réactions, formulent leurs réponses. Le Maître de Jeu présente alors la situation nouvelle, conséquence de ce qu'ont fait les joueurs, avant de leur redemander ce qu'ils font, et ainsi de suite...
C'est là tout le principe du jeu de rôle : un dialogue constant entre le narrateur et les joueurs, un conte interactif où chacun écrit un peu l'histoire, sous l'arbitrage et la plume du MJ. Le Maître de Jeu met en scène l'aventure au gré du scénario qu'il a préparé et en fonction des agissements des PJ.
Parfois, ces derniers ont une idée géniale ou une réaction inattendue, imprévue par le scénario, voire qui le bouleverse totalement (plutôt que de s'infiltrer discrètement dans le building de la compagnie pour récupérer les documents volés, organisons un concert rock dans le hall; cela fera diversion, et les fans surexcités devront être maîtrisés par les services de sécurité du building). C'est au MJ de gérer ce revirement, en improvisant. Il va imaginer la nouvelle tournure des choses, tirer de nouvelles conséquences. L'improvisation est un des nerfs du jeu de rôle.
Les subtilités du jeu de rôle
La question qui est souvent posée à ce stade par les gens à qui on explique ce qu'est le jeu de rôle est : mais alors, comment on gagne ? En fait, il n'y a pas de mécanisme automatique de victoire, comme compléter son pion avec toutes les parts de camemberts ou être le plus riche et posséder un maximum de rues et d'hôtels. Les notions de victoire et de défaite ne sont pas aussi tranchées que dans un jeu de société.
Souvent, une aventure s'apparentera à une mission à remplir, confiée aux PJ par le commandant de leur unité ou leur roi, ou parce que cela correspond à un idéal qu'ils défendent, à une cause qu'ils servent. Les PJ vont libérer la princesse des griffes de ses kidnappeurs, trouver le trésor enfoui au cœur de la pyramide aztèque, empêcher le retour du puissant démon, s'emparer des documents secrets dans le building de la compagnie. On peut alors parler de victoire. Mais il se peut que les joueurs fassent une erreur de tactique ou d'appréciation, agissent de façon précipitée, manquent au contraire de diligence, ou tout simplement n'aient pas de chance aux dés au moment crucial. Dans de tels cas, eh bien, ils peuvent échouer, s'il n'arrivent pas à rattraper le coup, et le MJ doit en tirer les conséquences : la princesse est désormais l'otage du royaume belliqueux voisin, un piège mal désamorcé a tué tous les membres de l'expédition, le démon court dans la nature libre de commettre de sombres crimes et les documents ont été détruits dans la bagarre. Là, on peut penser que les PJ ont perdus. Un personnage acquiert ainsi, au fil de ses pérégrinations, une vie "indépendante", avec ses éclats et ses échecs, et gagne ainsi en profondeur.
Mais de telles déroutes peuvent inspirer un MJ sur une suite à donner, ou plus souvent donnent une grande motivation aux joueurs désireux de se racheter ou de prendre leur revanche : les PJ seront d'une mission diplomatique pour négocier la libération de la princesse (ou alors mèneront une opération armée pour la libérer de force), une nouvelle expédition est préparée pour aller secourir la première qui a disparue, les alliés et autres contacts sont appelés pour organiser une grande traque au démon, les PJ mettront un point d'honneur à venger leur camarade lâchement abattu.
Une partie de jeu de rôle peut ressembler à une série américaine, comme Buffy ou Star Trek, ou aux romans de Harry Potter : chaque aventure s'articule autour d'une intrigue indépendante, mais les aventures sont reliées entre elles par une méta-intrigue, un fil rouge, dont on ne découvre les éléments qu'au fur et à mesure, et dont les évènements sont disséminés tout au long de plusieurs parties. Au fil des aventures, le monde où évoluent les PJ s'étoffe.
Il n'est rien de plus prenant pour des joueurs que de découvrir que le mystérieux commanditaire qui s'attaque à eux par l'intermédiaire d'hommes de mains et qui cherche à s'approprier d'étranges reliques probablement magiques est l'ancien directeur de la compagnie qu'ils ont réussi à faire tomber, et qui loin d'avoir succombé à l'incendie du laboratoire secret, est toujours vivant, mais en plus est devenu un vampire avide de vengeance.
D'ailleurs, l'univers de jeu n'est pas le seul à évoluer. Au fur et à mesure de leurs aventures, les PJ gagnent en expérience. Cela se traduit par l'attribution par le MJ, à la fin d'une partie, de points leur permettant d'acheter de nouvelles compétences ou d'augmenter celles qu'ils ont déjà (de la même façon qu'ils ont fait à la création de leur personnage). Peu à peu, votre conducteur débutant se rapprochera du statut de futur champion de rallye, votre chevalier va s'aguerrir et se perfectionner à l'épée, votre magicien découvrira de nouveau sortilèges.
Un des derniers points qui surprend les personnes qui découvrent le jeu de rôle est le matériel utilisé : les dés. Tout le monde connaît le dé "classique", numéroté de 1 à 6. Les joueurs de jeu de rôle l'appellent D6, ou dé à six faces. Pour symboliser le hasard et soutenir les mécanismes de jeu, il existe pour le jeu de rôle une foule de dés comptant plus ou moins de faces. On trouve ainsi le D4 (un dé à quatre faces, en forme de tétraèdre), le D8 (huit faces comme vous l'aurez deviné, ressemblant à deux pyramides collées par leurs bases), le D10 (même principe), le D12, le D20 et le D30 (ces trois derniers en forme de boule à facettes). Il existe aussi le D100; ce n'est pas un dé à cent face (bien que certains fabricants de jouets aient créé une boule à facette avec cent cotés, de la taille d'une grosse bille). Il s'agit en fait de deux D10, l'un représentant le chiffre des unités, l'autre des dizaines. Cela est très pratique pour symboliser les pourcentages ("Capitaine, il y a 25% de chances que le propulseur endommagé de notre navette implose dans les minutes suivantes si nous continuons à cette vitesse !").
Pour finir, le jeu de rôle est un loisir où tout est possible. Vous pouvez sauver le monde, devenir un héros, connaître la gloire. Vous pouvez aussi conquérir le monde, devenir un maître des intrigues, connaître les plus dures épreuves. Vous pouvez jouer dans de multiples univers, car toutes les époques, toutes les fantaisies sont imaginables. Il n'est de nos jours pas rare que des romans, des films ou des séries se voient adaptées en jeu de rôle. La Trilogie du Seigneur des anneaux, par exemple a fait l'objet de plusieurs adaptations, certaines avant la sortie des films, la dernière en date se basant sur l'œuvre cinématographique. Mais on trouve aussi des jeux de rôle prenant place dans le monde de la Guerre des Étoiles, de Buffy, de Conan le Barbare, ou inspirés d'auteurs de la littérature fantastique ou de science-fiction, comme par exemple Ann Rice (auteur de Entretien avec un Vampire), Roger Zelazny (a qui l'on doit le cycle des Princes d'Ambre) ou H.P. Lovecraft (qui a imaginé le Mythe de Cthulu). Dernier exemple, tiré cette fois d'une référence célèbre de la bande dessinée : Lanfeust de troy, de Arleston et Tarquin, vient d'être adapté en un jeu convivial et amusant.
Stéphane "Chevelu"